De la théorie Pédagogique aux Pratiques
Conférence pédagogique 1999 (circonscription de Périgueux 3)

Ce thème induit une autre question.
Y-a-t-il des théories pédagogiques?

1 - Redéfinir théorie et pratique
2 - Quelques exemples de théories à travers les I.O. les théories de l'apprentissage.
3 -Les pratiques et modèles pédagogiques tirés de ces théories.
4 - A travers quelques pratiques pédagogiques efficaces peut-on élaborer une théorie pédagogique? (travaux en ateliers)

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1 - Redéfinir théorie et pratique

Souvent théoriciens et praticiens s'affrontent, les uns pensant que leur camp a plus de valeur que celui de l'autre.

La théorie :
En 1496 : "Science de la contemplation"
Mot grec "Observation, contemplation"
Ensemble d'idées, de concepts abstraits, plus ou moins organisés, appliqué à un domaine particulier.
Mettre une théorie en application.
La théorie opposée à la pratique.
Le savant complet est celui qui embrasse à la fois la théorie et la pratique.
En théorie : péjoratif, c'est très beau en théorie, mais en fait, il en est autrement.
Construction intellectuelle méthodique et organisée de caractère hypothétique (au moins en certaines de ses parties) et synthétique.
Sciences : "La théorie n'est que l'idée scientifique contrôlée par l'expérience" - Claude BERNARD

Pratique :
1256 : Activités volontaires visant des résultats concrets (opposé à la théorie). Connaissance obtenue par la pratique.
Synonymes : empirique, expérimental, pragmatique.
"La pratique les a prémunis contre les chimères des théoriciens"
Les Pratiques : les exercices extérieurs de la piété.

On peut penser que l'on va alternativement de la théorie à la pratique, de l'abstrait au concret.
Mais ne peut-on pas penser comme le célèbre psychologue Wallon, qui disait que "le concret c'est de l'abstrait devenu familier"? Des pratiques efficaces sont issues de théories applicables.

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2 - Quelques exemples de théories pédagogiques

- la pédagogie active- la pédagogie institutionnelle ou libertaire- la pédagogie traditionnelle- la pédagogie nouvelle- la pédagogie de l'intérêt- la pédagogie de la médiation- etc ...

Et le pédagogue dans tout cela? Est-il un théoricien ou un praticien, les 2 à la fois?
Chez les Grecs par exemple, le "pédagogue", contrairement à ce que l'on croit trop souvent, n'est pas un professeur, mais une sorte de répétiteur (généralement un vieil esclave) dont la mission est d'accompagner l'enfant de son domicile à l'école et, le cas échéant, lui faire réciter ses leçons.

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a) Les théories à travers les instructions officielles

En France, l'Etat ayant le monopole de l'Education aujourd'hui, ou de l'enseignement ou de l'instruction publique (au début du siècle), il est intéressant d'analyser rapidement les diverses instructions officielles pour dégager les théories sous jacentes.
En 1946, la commission Langevin (6 à 7 % des ressources nationales sont consacrées à l'éducation, 26ème rang des nations civilisées).
En 1956, prolongation de la scolarité obligatoire jusqu'à 16 ans-René Billères, ministre de l'instruction Publique.
6 principes : - principe de justice
                   - égalité des valeurs de toutes les tâches sociales
                   - droit pour tous à l'instruction complète
                   - principe de l'orientation scolaire, puis professionnelle
                   - la formation du travailleur ne doit en aucun cas nuire à la formation de l'homme
                   - principe de l'éducation populaire continue
.
Théories d'organisation sociale, de structures, les méthodes pédagogiques ne sont abordées que dans les directives à destination des enseignants. On parle aussi à cette époque, de classes nouvelles, du choix d'un centre d'intérêt, de méthodes actives, et "de la célèbre pédagogie de l'intérêt".
Et en 1999, l'Education basée sur la Loi de 1989 mettant l'élève au "centre du système éducatif", les IO de 1990 et 1995.
Ces IO donnent les contenus des programmes par cycle de 3 ans, une liste de compétences à faire acquérir en fin de cycle 3 (149), souvent compétences minimum ; laissent la liberté aux enseignants des méthodes, tout en préconisant une pédagogie différenciée mal définie.

"Une charte pour bâtir l'école du XXIème siècle" énonce surtout des pratiques mais se réfère parfois à des théories :
- p.6.b) les théories de développement intellectuel de l'enfant suivant lesquelles l'attention est meilleure le matin que l'après-midi ... p.7; les rythmes des enfants.
- p.7 ... inventer de nouvelles façons de travailler avec des pédagogies plus actives et plus variées.
- p.7 une grande expérience préludant à de nouveaux rythmes pour toutes les écoles
- p.7 travail en équipe des enseignants ...
- p.8 l'instituteur traditionnel, seul dans sa classe, chargé de tout faire, répondre à la demande sociale.
- p.9 pratiques pédagogiques diversifiées
- p.10 projet pédagogique au cœur de l'organisation - liberté du choix des demandes, des méthodes, cohérence des pratiques individuelles
-... démarches actives : donner plus de sens aux apprentissages en les liant à la vie des élèves et à leurs intérêts. Ex : opérations enseignement des Sciences la "main à la pâte" classe mais aussi groupe d'intérêts ou de besoins... cycle d'activités.
- p.12 grilles de lecture pour analyser leur action
- p.14 ... la recherche s'appréciera sur des outils d'observation et d'évaluation... domaine des comportements et acquisitions.
4-p.16 Les principes pédagogiques de la recherche (ensemble de pratiques)
On s'aperçoit, à travers ce survol des IO, qu'il s'agit plus d'un ensemble de pratiques recommandées et de choix organisationnels que de théories.
Pourtant, l'ensemble des méthodes de pratiques se réfère implicitement ou explicitement à un ensemble de théories se référant à la psychologie et à la sociologie.

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b) Des théories en relation avec des théories de l'apprentissage Pour les comportementalistes, l'apprentissage est perçu comme un processus d'adaptation du comportement aux modifications de l'environnement .
Apprendre se ramène à répondre à des stimulus, enseigner à renforcer les stimulus en fonction des réponses.
Skinner imagine ainsi l'enseignement programmé, qui vise à automatiser le processus stimulus-réponse-renforcement. L'informatique, se présente alors comme un outil idéal . L'enseignement programmé, comme théorie et comme pratique, est aujourd'hui tombé en disgrâce.
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Piaget au contraire observe et analyse les stades du développement intellectuel de l'enfant. L'apprentissage est le produit d'une élaboration continue de structures mentales nouvelles.
En relation avec cette théorie l'américain Seymour Papert crée le langage de programmation Logo, outil pour "apprendre à apprendre". Ce langage de programmation appartient aux langages "orientés-objet", son succès date des années 1980.

La similitude qui  rapproche ces deux théories est que l'une et l'autre donnent une image essentiellement individualiste des apprentissages.
Comportementalisme et le constructivisme, se sont chacun incarnés dans un outil technologique : l'enseignement programmé pour le comportementalisme, Logo pour le constructivisme. Ces deux outils ont en commun d'être des outils pour l'élève. Le modèle d'apprentissage qu'ils valorisent indirectement est bien un modèle individualiste, centré sur l'activité de l'élève.
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Le modèle de la médiation
Médiation signifie "être au milieu", "s'interposer". Il s'agit d'un processus intermédiaire entre un stimulus (S) et une réponse (R); pour expliquer le passage du 1e à la seconde on imagine une "réponse médiatisante" (M).
La notion de médiation vise à réintroduire dans le schéma behavioriste "S-R" la personne, ses réactions psychophysiologiques, ses processus de pensée.
Hume (1711-1776) dit ainsi: "Afin que nous puissions comprendre toute l'étendue de ces relations, nous devons considérer que ces 2 objets sont reliés dans l'esprit non seulement quand l'un est directement ressemblant à l'autre, mais aussi quand s'interpose entre eux ( c'est le médiateur commun) un 3e objet qui leur apporte l'une quelconque de ces relations".
Montagne en 1967 donne l'exemple de paire de syllabes ou mots, et de l'écriture des mots ou phrases,  il pense qu'il y a 4 sortes de médiations:
1- l'association de phrases, 2 mots sont la base d'une phrase; tour-Périgueux= faire du tourisme à Périgueux.
2- association de mots, livre-professeur évoque l'enseignement
3- association de sons, maison fait penser à saison
4- association de lettres, usé-sec ...à U.S.
Mednick (1962) affirme que les sujets qui trouvent facilement des médiateurs sont plus créatifs que ceux qui éprouvent des difficultés.
 Deux grands psychologues doivent être reliés à cette école de pensée, le russe Vygotsky et l'américain Bruner. L'un et l'autre réfutent le fondement individualiste des théories comportementaliste et constructiviste. "La plupart des théories de l'apprentissage autant que celles du développement [des animaux], se sont appuyées sur des méthodologies d'une nature implicitement individualiste. (...) Que le même biais individualiste existe dans les études sur l'apprentissage dans notre espèce est bien plus extraordinaire encore, compte tenu de notre investissement culturel dans la famille, l'école, le groupe des pairs, et de notre capacité particulière à représenter le monde à nous-même et aux autres à travers le langage."
Pour ces derniers, l'apprentissage est lié à l'environnement familial, culturel et social.
L'éducation et la formation des enfants plus âgés et des adultes s'appuient sur la dimension collective propre à la communauté d'apprentissage, en particulier les relations entre pairs.
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3- Les pratiques et modèles pédagogiques tirés de ces théories. Le modèle classique met en scène un enseignant, émetteur de savoir, face à un groupe d'élèves récepteurs. Le cours traditionnel est délivré ex cathedra depuis une chaire universitaire ou l'estrade d'une salle de classe, pour un large auditoire, avec l'aide éventuelle de ressources pédagogiques qui viennent appuyer le discours professoral. Dans ce modèle, la qualité de l'éducation s'identifie à celle de l'enseignant, à sa maîtrise de la discipline enseignée et à sa capacité à “bien expliquer”. Périodiquement, l'enseignant vérifie, par des épreuves écrites ou orales, le niveau de compréhension atteint par chaque élève. Dans le modèle classique, les ressources pédagogiques utilisées sont avant tout des outils pour l'enseignant dont elles amplifient et illustrent le discours. Il peut par exemple s'agir de l'ordinateur multimédia donnant accès à différents supports pédagogiques (textes, images, films), ou de la vidéo-conférence qui projette l'enseignant vers l'élève distant. C'est l'enseignant lui-même qui devient alors multimédia...
.Dans le modèle moderne, l'accent est mis sur la variété des modes d'acquisition et de transmission des connaissances et sur la participation active de l'élève, invité à réaliser des travaux pratiques ou des recherches personnelles pour préparer ou prolonger une leçon. Si le rôle de l'enseignant reste central, l'expression de l'élève, son activité spontanée, les échanges inter-personnels, et le travail en équipe deviennent des composantes essentielles de l'apprentissage. Ce type de pratique est appliqué à l'université dans le cadre des travaux dirigés ou dans la formation professionnelle, et à un moindre niveau au cours des études primaires et secondaires. Le modèle moderne, qui se retrouve à l'état presque pur dans les écoles de la petite enfance, va dans le sens de l'approche constructiviste. Les technologies sont mises entre les mains, non pas de celui ou de celle qui enseigne, mais de ceux qui apprennent: les logiciels permettent par exemple de créer, simuler, consulter, évaluer ses connaissances. Les moyens de télécommunication peuvent être utilisés pour demander de l'aide à un tuteur distant, enseignant ou formateur.

A côté de ces modèles qui illustrent des situations de classes, il existe un modèle atypique, celui de l'auto-formation, qui réunit les traits extrêmes des modèles classique et moderne. En auto-formation, l'activité de l'apprenant est centrale, mais elle est largement guidée par des ressources pédagogiques standardisées qui médiatisent le discours du maître. Les outils technologiques s'apparentent dans une large mesure à ceux du modèle moderne puisqu'ils sont exclusivement au service de l'élève. Mais les ressources pédagogiques utilisées, en particulier les logiciels, sont le plus souvent inspirées de l'enseignement programmé. Elles simulent, avec plus ou moins de réussite et de souplesse, le comportement de l'enseignant dans le modèle classique : exposition du savoir, démonstration, contrôle de connaissance.
Entre le modèle classique qui organise l'éducation autour de la fonction d'enseignement, et le modèle moderne qui l'organise autour de l'apprentissage individuel, l'observation des pratiques pédagogiques en classe montre que la place existe pour un troisième modèle, que l'on peut qualifier de modèle de la médiation, parce qu'il s'organise autour de la relation pédagogique.

L'apprentissage, quelles que soient les circonstances, est toujours le fruit d'échanges qui se nouent au sein d'un groupe humain, que ce soit à la maison, à l'école ou dans un centre de formation. Dans l'école ou le centre de formation, le professeur ou le formateur cherche à instaurer un climat de confiance propice à la participation ; il prépare la matière enseignée pour la rendre transmissible, et s'assure de la progression et de la compréhension des élèves. Plus que de transmettre un savoir, il s'agit pour l'enseignant de favoriser la construction personnelle menant à l'appropriation. Dans ce processus, la matière de l'enseignement, c'est à dire la discipline enseignée et la langue de transmission ne sont pas neutres : elles structurent les schémas mentaux et la perception du monde. La trans-disciplinarité permet d'enrichir l'apprentissage en élargissant et mettant en cohérence les différentes représentations mentales que l'élève a déjà pu se forger.

Les relations entre les élèves jouent un rôle primordial dans l'apprentissage. L'école est non seulement le lieu ou l'enfant apprend, mais aussi celui où il construit sa personnalité et où il se socialise. L'un ne va pas sans l'autre. C'est en se mesurant à autrui, en adaptant sa compréhension du monde à celle de ses pairs, que l'élève trouve ses repères et adopte une culture et des valeurs communes. C'est aussi en "enseignant" à d'autres qu'il apprend le plus efficacement : formuler, argumenter, aide à structurer la pensée et à la préciser. L'interaction entre élèves est entrecoupée de moments pendant lesquels chacun se retrouve, trie, mûrit, et synthétise les informations qu'il a pu rassembler en contexte scolaire ou ailleurs.

Les ressources pédagogiques, qu'il s'agisse du tableau noir, des livres et cahiers, cassettes audio et audiovisuelles ou d'expériences en laboratoire, renforcent, structurent et enrichissent les conceptions individuelles. En "cristallisant" sur des supports physiques les concepts enseignés, l'élève ou l'étudiant les valide et se les approprie. Les supports pédagogiques matériels permettent surtout au groupe d'élèves et à l'enseignant de mettre en commun les concepts qui font l'objet de l'enseignement, sous des formes objectives qui ne sont plus seulement celles du dialogue. De ce point de vue, les ressources pédagogiques permettent de "dédramatiser" les échanges au sein du groupe. Le fait qu'elles soient standardisées est important : partager les mêmes livres de classe permet à toute une génération d'acquérir des références communes, indispensables à la transmission d'une culture.

Ce modèle met la relation inter-personnelle au coeur de l'apprentissage. Il donne à l'enseignant ou au formateur la responsabilité du choix des méthodes et des ressources pédagogiques venant appuyer et multiplier les échanges au sein du groupe. La position périphérique ainsi assignée aux technologies ne réduit pas leur champ d'action, bien au contraire. Mises au service de l'échange pédagogique, le multimédia s'ouvre davantage d'angles d'intervention et, sans doute, davantage de chances de réussite.

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